Les taxes au Moyen-Âge

Taxes

La dîme ou dime (du latin decima, dixième) est, depuis le Moyen Âge et jusqu’à la Révolution française, une redevance en nature ou en argent, portant principalement sur les revenus agricoles collectés en faveur de l’Église catholique. La dîme correspond à une certaine part de la récolte (la part variant d’un évêché à l’autre et même d’une paroisse à l’autre, voire parfois à l’intérieur d’une même paroisse). Le taux était élevé dans le Sud-Ouest de la France (jusqu’au huitième), et en Lorraine (jusqu’au septième). Il était du onzième en Normandie, du treizième dans le Berry, du cinquantième en Flandre maritime, presque aussi faible en Dauphiné et en Provence.

Dîme novale : porte sur des terres défrichées depuis moins de 40 ans. Son montant est nettement inférieur à la dime

Les prémices : consistaient en un droit des ecclésiastiques sur les premiers fruits (grains, jeunes animaux)

Les banalités sont l’ensemble des monopoles économiques exercés par le seigneur en vertu du droit de ban et notamment les taxes payées par le paysan telles que l’utilisation obligatoire du four, du pressoir ou du moulin du seigneur, le banvin (période pendant laquelle le seigneur a le monopole de la vente de vin), le charriage (taxe sur le transport de céréales), des droits de péages, l’octroi (impôt pour avoir le droit d’entrer avec de marchandises dans une ville) et la taille qui est un impôt payé par les paysans à l’origine pour leur protection ; c’est une taxe très impopulaire car son montant est fixé arbitrairement et le seigneur peut la lever plusieurs fois par an. Les montants de ces banalités sont souvent faibles, mais sont omniprésents.

En droit féodal, le droit de tonlieu est un impôt prélevé pour l’étalage des marchandises sur les marchés. C’est aussi un péage sur les marchandises transportées prélevé lors du passage d’un fleuve (pont, bac) ou aux portes de certaines villes.

La corvée est un travail non rémunéré imposé par un seigneur/maître à ses dépendants, qu’ils soient de statut libre ou non. Elle est un rouage essentiel du système politico-économique médiéval et tire son existence de la rareté de la monnaie à cette époque. C’est un impôt perçu de manière non pécuniaire. Elle consiste en journées de travail consacrée à la terre seigneuriale. Cela peut être des journées au champ, du charriage de marchandises, de l’entretien de routes ou murailles, de cuvages de fosses,…

Le cens: impôt personnel dû par les serfs à leur seigneur. D’un montant modéré, il était surtout destiné à affirmer la condition servile de la personne qui y était soumise. Il a disparu avec le servage à la fin du Moyen-Âge.

Focage, ou fouage : impôt moyenâgeux prélevé par feu ou foyer.

Sous l’Ancien Régime, le champart est un impôt seigneurial, prélevé en nature, proportionnel à la récolte, oscillant entre 1/12 à 1/6. Il est prélevé après la dîme due au clergé. C’est un prélèvement en nature effectué par le seigneur sur les terres roturières lorsqu’elles sont en culture, le plus souvent sur les céréales (plus faciles à conserver), en moyenne une gerbe sur huit. Le bénéficiaire devait venir le « quérir » (chercher). On ne pouvait réclamer les arrièrés non-perçus

Le formariage est le droit payé au seigneur, à l’occasion du mariage d’un serf hors de la seigneurie ou avec une personne de condition libre. En vertu de ce droit de formariage, les serfs ne pouvaient contracter mariage qu’avec un sujet de la seigneurie, à moins de la permission du seigneur ; ceci afin d’éviter la dépopulation.

L’échute (ou dépouille) est la réalisation de la mainmorte ; si le serf n’a pas d’héritier direct, tout revient au seigneur.

La mainmorte est l’incapacité dont sont frappés les serfs en France au Moyen-Âge. Son objectif était d’éviter que les biens passent à des personnes extérieures à la seigneurie : durant sa vie, le serf jouissait librement de ses biens personnels ; il pouvait disposer de son manse avec la permission de son seigneur mais il était privé de la faculté de faire son testament et, à sa mort, ses biens revenaient à son seigneur. Dans certains cas, le seigneur « se contentait » du meilleur animal, outil, arme, lit ou vêtement

L’angald est une taxe prélevée sur les ventes de vin et destinée à l’entretien des murailles de la ville

La gabelle: impôt sur le sel, marchandise indispensable à la conservation des aliments. En France, il a été créé en 1383 et varie fortement d’une région à l’autre.

Le droit de gîte: Lors de visite du seigneur, le taxable (noble, bourgeois, laboureur) devait lui fournir logement et nourriture. C’était assez bien réglementé à tant de jours par année et pour tant de personnes. On indiquait même parfois ce qu’il fallait « offrir ». Mais il y a eu des abus…

Le droit de détraction : impôt dû par ceux qui quittent la seigneurie, substitué à l’ancien attachement des serfs à la glèbe

Le droit de toise était dû au seigneur d’une ville par celui qui disposait un chésal

Malgré ces nombreuses taxes, le seigneur était toujours (déjà !?) à court d’argent. Ses rentrées les plus importantes lui parviendront par son droit de justice. Il infligeait des amendes pour tout et n’importe quoi. De plus, il pouvait confisquer les biens pour trahison ou blasphème. Et il était difficile à l’accusé de de défendre…

Le droit d’aubaine: droit du seigneur justicier sur la succession des enfants illégitimes et des étrangers


Extrait du Marcassin sautillant

De nombreux habitants des villages et hameaux voisins venaient en ville à cette occasion. Non seulement pour profiter de la nourriture grappillée de-ci de-là, mais aussi pour payer la dîme des oies. En certains endroits de l’Empire, cette redevance était due pour le jour de l’Assomption, mais en Ajoie, elle avait été fixée à la Saint-Martin d’hiver (11 novembre). Plusieurs fois dans l’année, en effet, les tenanciers étaient tenus d’apporter eux-mêmes les différentes taxes et par la même occasion, faire acte de soumission à leur seigneur. À Carnaval, la dîme des chapons, à Pâques, la dîme des œufs, à la Sainte-Walpurgis (1er mai), la dîme des agneaux, à la Saint-Urbain (25 mai), la dîme des fruits et du vin, à la Saint-Jean (24 juin), la dîme des viandes, à la Sainte-Marguerite (13 juillet), la dîme des grains, à la Saint-Barthélemy (24 août), les autres redevances et services. Et à Noël, le seigneur attendait en plus un cadeau généreux… Plus il serait grand, plus il serait désintéressé, voire intéressant !

Ainsi, après avoir présenté leurs hommages au château où les recevait le représentant de l’évêque, lorsque ce dernier n’était pas là lui-même, les redevables se rendaient sur la place avec leurs familles. Cette foule attirait naturellement toute sorte de faune avide de soutirer quelques sous aux badauds. Des marchands d’oublies, de saucisses, de vin, de drap, de chapelets et d’images pieuses étaient venus de Montbéliard, de Dôle, de Mulhouse, et même de Besançon, siège de l’archevêché. Saltimbanques, jongleurs, arracheurs de dents et guérisseurs côtoyaient tire-laines, mendiants et catins…

Extrait du Clocher de l'abbaye

Qui disait de nouveaux feux, disait aussi de nouvelles rentrées, et Siginand aurait pu financer sans trop rogner sur les autres dépenses la construction du nouveau monastère. Il aurait pu continuer, sans ce coup du sort…

Il fit et refit les comptes avec le cellérier et les intendants. Jamais il ne mit autant d’application à faire rentrer toutes les taxes et banalités qui lui étaient dues. Il ouvrit les livres de rôles et les terriers et passa chaque commune en revue.

–          Moutier compte quinze serfs détenant trente acres chacun, commença le cellérier, dix vilains semi-libres avec une quinzaine d’acres, et douze fermiers. Les serfs doivent trois jours de travail hebdomadaire jusqu’à la Saint-Pierre*, puis cinq jours jusqu’à la Saint-Michel, les semi-libres à proportion de leur tenure.

–          La chapelle Saint-Pierre relève du custode, mais nous avons une partie des dîmes. Toutes les dîmes de la courtine du chapitre nous reviennent, la moitié des dîmes du village de Moutier et son moulin.

–          Au village de Grandval, nous avons la chapelle de Saint-Martin, ses dîmes, ses deux courtines, leurs dépendances et ses mines de fer. Grandval compte neuf serfs, quatre vilains semi-libres et six fermiers.

Aidés d’un clerc juriste, le cellérier et les intendants passèrent ainsi en revue toutes les propriétés du chapitre de Moutier, dans le Grandval avec Moutier, Eschert et Grandval, dans l’Orval avec Saules, Court, Sorvilier, Minvilier*, Malleray, Reconvilier, Salevol*, Tavannes, qui avec Courrendlin, Rebeuvelier et Châtillon, forment le domaine proprement dit. Puis vinrent les terres dans le Sornegau, avec les moulins de Vicques, de Bassecourt et d’Undervelier, en plus des autres propriétés à Courfaivre, Glovelier, Soulce, Courroux, Courcelon et Soyhières. En Ajoie, les propriétés sont nombreuses aussi : à Damphreux, Porrentruy, Alle, Miécourt, Alle, Cornol, Villars-sur-Fontenais, Bure, Rocourt, Chevenez, comme en Erguel avec Sombeval, Courtelary, Corgémont, Saint-Imier, Péry ; sur Bienne avec Orvin et beaucoup de vignes ; sur Soleure : Rosière et Laupersdorf ; et en Alsace : Nieder-Morschwiller, Eguishein, Herrlisheim, Heimsbrunn, Morswiller, Rädersdorf, Bendorf, Levoncourt, Marchelawiller.

–          Quels sont les retardataires, et les cas qui réclament mon attention ? insista Siginand auprès du cellérier Eusèbe et de quelques intendants.

–          Tout le monde a payé le cens cette année, mais à Court, Jeannot du Graitery vous doit toujours cinq sous, dit le cellérier, le nez dans le livre de comptes.

–          Chaque année, il le reporte, s’exclama le prévôt, n’a-t-il rien à saisir ?

–          Il a un robuste cheval, dit frère Eusèbe.

–          C’est vrai, interrompit un intendant, mais si nous le lui prenons, ce sera pire, il ne pourra plus labourer et espérer avoir une meilleure récolte !

–          Il laboure avec son cheval ? s’étonna Siginand

–          Oui, répondit frère Eusèbe, enfin, il va essayer cette année. Il a fabriqué une espèce d’harnais, adapté au collier d’épaule, pour tirer la charrue. Le cheval est robuste et habitué à l’attelage. Jeannot est persuadé d’y arriver. Dès que la charrue de Germain le  laboureur se libérera, il va retourner son champ et espère travailler deux à trois fois plus vite qu’avec des bœufs. Comme il a essarté quelques acres en plus, il espère rembourser sa dette avec ce supplément de récolte à venir.

–          Mais son cheval va s’enfoncer ?

–          Non, son terrain est plane et à mi-côte, là où la Birse n’inonde pas, même au printemps.

–          Des chevaux qui labourent, maintenant, on aura tout vu !

–          Naturellement, ce n’est ni un destrier, ni un palefroi*, mais un solide canasson, continua l’intendant.

–          Bon, conclut Siginand, laissons-lui encore une année. Cas suivant !

–          Le serf Thibaut de Chaindon nous doit encore dix deniers, et il a envoyé son fils de treize ans pour les corvées. Ce garçon est un bon travailleur, mais il arrive fatigué, car il fait des doubles journées. Le reste du temps, il travaille sur les terres de son père qui passe son temps à boire et à jouer aux dés.

–          Cet homme n’a-t-il pas d’autre fils ?

–          Si, mais il n’a que douze ans.

–          Bon, nous allons donc vendre le fils cadet au baron d’Asuel pour nous rembourser la dette. Le baron a besoin de jeunes hommes vigoureux pour en faire des archers. Il sera nourri, habillé et formé. Mais nous menacerons Thibaut d’en faire autant avec son fils aîné s’il ne participe pas lui-même aux corvées.

–          A Courrendlin, nous avons récupéré en échute* la tenure* d’Urbain, mort sans fils. Le fermier Eudes, un voisin qui a deux fils déjà grands, aimerait que son cadet puisse l’occuper.

–          Cet Eudes est-il libre ?

–          Oui, cet un homme libre, il paye régulièrement ses redevances : cens et champart*.

–          Attention, averti le clerc juriste, si on lui abandonne la tenure du serf, ce cadet de famille libre pourra être considéré comme serf, en termes de service coutumier. Ses enfants aussi.

–          Il faudra le lui dire. Sinon, nous enverrons un de nos serfs sur cette tenure.

–          Urbain n’avait-il pas de femme ?

–          Si fait, et deux filles ! Nous avons attribué la femme à la maison des pauvres à Moutier qui avait besoin d’une aide de cuisine. Ses deux filles, encore petiotes, sont avec elles.

–          Autre chose ? demanda encore Siginand

–          Mathieu d’Eschert veut marier sa fille. Il demande une réduction du formariage*.

–          Que fait sa fille ?

–          C’est une gantière, bonne fille, habile et travailleuse.

–          Pourquoi devrions-nous accorder une réduction ?

–          Eh bien, parce qu’il n’a pas trop de sous, par charité. Et puis, elle désire épouser un serf du comte de Soyhières.

–          Ah ! C’est intéressant. Ainsi le comte Oudelard nous devra un service, en acquérant une bonne travailleuse à vil prix. D’accord, cinq sous pour le formariage, décida Siginand

Ils passèrent ainsi en revue tous les villages, et cela prit du temps, car le chapitre avait des propriétés loin à la ronde…

–          Qu’en est-il de nos dimes ? continua le prévôt.

–          Comme vous le savez, notre grange aux dimes de Moutier a été saccagée. Heureusement, même si c’est la plus importante, c’est la seule, et toutes nos autres granges sont intactes et les quelques retardataires se sont engagés à payer prochainement. Ici à Moutier, il y a aussi deux retardataires, Thibaut de Sous-Raimeu et Charles des gorges ; ils paieront la semaine prochaine.

–          Paradoxalement, il faudra les remercier de leur retard, sourit amèrement le prévôt. Et nos péages ?

–          Les taxes rentrent régulièrement. Peut-être pourrions-nous augmenter le droit de passage aux pèlerins et marchands de passage ?

–          Non, répondit fermement Siginand. Si nous le faisons, ils risquent de chercher et trouver une autre route. Nous n’aurions même plus ces rentrées-là. Nous sommes pour le moment un passage quasi-obligé entre la basse vallée du Rhin et l’Italie. Mais si une voie plus courte venait à s’ouvrir à travers les Alpes, nous perdrions ces revenus des péages. Comment rentrent les bans ?

–          Ceux de nos moulins dans le Grandval et dans l’Orval sont conformes aux autres années. Il y a une diminution avec le moulin de Vicques. Peut-être que des particuliers font-ils moudre le grain eux-mêmes.

–          Ils n’ont pas le droit ! s’exclama Siginand. Nous allons produire un édit répétant l’interdiction. Que les lieutenants aillent inspecter chaque maison plus soigneusement ! Les meules privées doivent être détruites publiquement et les contrevenants mis à l’amende. Et pas seulement à Vicques ! Que tous les lieutenants et maires contrôlent aussi le vin dans les auberges. Je suis persuadé qu’il y a de la fraude. Le vin doit provenir de nos domaines ou subir le banvin. C’est la loi ! et cette année, nous ne pouvons admettre aucun passe-droit. Faites passer le mot ! D’ailleurs il y a combien de temps que nous n’avons pas augmenté cette taxe ?

–          Plus de dix ans, répondit le cellérier.

–          Bien, alors il est temps de l’adapter. Deux sous de plus par muid, et un sou par tonneau de bière, pendant qu’on y est.

–          Et les bans sur les forges ? demanda le clerc.

–          Laissons-le comme cela, dit le prévôt. Il ne faut pas que les paysans achètent plus cher leurs outils, cela retarderait les défrichements et n’améliorerait pas les rendements. Ne touchons pas non plus aux taxes sur les fours. Le peuple est suffisamment assujetti comme cela. Assurons-nous cependant que tout ce qui est dû soit payé. Je veux que les contrôles soit renforcés et les fraudeurs punis ! Nous allons augmenter les amendes pour dissuader toute tricherie.

–          L’augmentation des taxes et des amendes n’est-elle pas soumise à l’approbation du chapitre ? interrogea l’intendant

–          Pour les amendes, j’ai l’autorité de les augmenter, mais pour les taxes, tu as raison, répondit Siginand, mais c’est une formalité, j’en parlerai demain lors de la réunion du chapitre.

–          Je vais faire préparer un texte pour les crieurs et je vous le soumettrai dès demain, promit le clerc.

Tous les chanoines de Moutier passèrent un Noël rigoureux, burent de la bière au lieu de vin et se privèrent du superflu à l’instar de tous les habitants de la prévôté. La fête de l’âne eut lieu sobrement, sans distribution de vin ni de bière, et dans son prêche, le prieur exhorta de penser à la signification de la fête, plutôt qu’à ses plaisirs et ses excès.

2e extrait du Clocher de l'abbaye

Le nouvel abbé Louis connaissait toutes les propriétés de l’abbaye de Bellelay. Il les avait toutes déjà visitées avec le cellérier qui lui avait appris les spécificités de chacune, les rendements qu’il pouvait en espérer et ceux, toujours moindres, qu’il recevait cependant annuellement. Il avait noté que l’église de Tavannes avait plusieurs serfs à son service qui lui devaient tant de jours de corvées et qu’elle payait les dimes complètes, que la cour de la Racine lui devait tant de setiers de blé et d’avoine, que les paysans des deux Fornets lui payaient tous les ans un chapon et un setier d’avoine chacun, que les alleux d’Ajoie devaient tant de cens en nature et en deniers, que l’église de Saint-Ursanne de Nugerol rapportait tant de muids de vin, et ainsi pour tous les domaines. La première année de son abbatiat, en 1180, la cour de Boécourt n’avait versé qu’une petite part de ses redevances. Aussi, ce fut une de ses premières visites en tant qu’abbé. Son cellérier lui avait dit de se méfier, ces gueux trouvant des excuses plus ou moins vraisemblables (il fait chaud, il fait froid, la vache est malade, l’épouse est souffrante) et cachant parfois une partie des récoltes chez des voisins, pour éviter de payer trop de dîmes.

  • – C’est à cause des sangliers ! se plaignit Humbert, le paysan responsable de la tenure agricole. C’était un homme trapu, à la chevelure brune un peu hirsute, aux lèvres minces, au front fuyant et dont le menton se confondait presque avec le cou.
  • – Des sangliers ? s’étonna l’abbé Louis ; comment quelques bêtes peuvent causer des dégâts pareils ? Ne l’avez-vous pas signalé au maire pour qu’il avertisse le seigneur d’Asuel ?
  • – Si, et Dieu me garde que j’aurais mieux fait de me taire ! ajouta Humbert.
  • – Explique-toi donc ? s’impatienta Louis.
  • – Les sangliers avaient détruit une partie des blés à l’orée de la forêt sous le Mont-Terri, c’était embêtant mais pas bien grave. Mais le sire Lutold a organisé une grande battue et la meute, les chevaux et les suivants sont passés sur les champs piétinant tout sans discrimination. Comme si cela ne suffisait pas, ils ont abattu un grand mâle dans les champs et les chiens y ont fait leur curée, souillant ce qui n’était pas saccagé…
  • – Et ne t’es-tu pas plaint ? s’indigna l’abbé.
  • – Qui suis-je moi, pour oser adresser la parole à un sire baron ? répondit Humbert.
Extrait du Fils du tanneur

A Bienne, il y avait deux bourgmestres se partageant la tâche d’administrer la ville. Un s’occupait plutôt des fortifications et des clefs, l’autre – en l’occurrence c’était maître Lobsengue – des finances, des poids et mesures et il avait la charge du sceau de la ville.

Hugues voulait connaître les différentes taxes auxquelles serait soumis un établissement de bains avec auberge. Le bourgmestre lui expliqua patiemment et méticuleusement qu’un tel commerce devrait d’abord payer le droit de sol, le cens, en général une modique somme. Puis la location du bâtiment si il n’en était pas propriétaire. Ensuite, il y aurait le banvin, sur la consommation de vin et obligation d’acheter du vin de l’évêché dont dépendait la ville, une taxe sur la bière et une taxe d’ouvroir pour l’auberge. La marchandise vendue à l’auberge devait provenir du marché de la ville ou sinon payer le péage à la porte. Le droit d’angal, c’est-à-dire la taxe pour l’entretien des murailles de la ville, était dû en proportion du nombre d’adultes vivant dans l’auberge. Si les adultes masculins ne participaient pas au guet à leur tour, il y avait un supplément. Enfin, il y avait aussi un droit à payer pour des voyageurs qui résideraient longtemps à l’auberge. Les bains en soi ne posaient pas de problèmes mais ne pouvaient pas ouvrir avant le lever du soleil. Les bans et taxes étaient dus à l’évêché de Bâle, mais perçus par la ville de Bienne. Enfin, il y avait la dime, un pourcentage du chiffre d’affaires, à payer au viguier de la paroisse, qui la redistribuerait pour le service de l’église, le curé et les pauvres.

–          Que se passerait-il, si je désirais du vin extérieur à l’évêché ? demanda Hugues

–          Eh bien, si cela tombe pendant le temps où l’achat du vin de l’évêché est obligatoire, il faudrait payer une taxe supplémentaire.

–          Donc, en dehors de ce temps, on peut importer du vin.

–          Oui, mais attention, un établissement n’a pas le droit de vendre du vin local en même temps que du vin « importé ». C’est pour éviter les fraudes, les coupages abusifs et les malversations.

–          Je pourrais donc demander une autorisation pour du vin « extérieur » toute l’année.

–          En effet, mais cela est cher, expliqua aimablement le bourgmestre.

Hugues remercia et demanda encore les modalités d’élection au conseil. Il suffisait d’être bourgeois de Bienne, d’être marié ou âgé d’au moins vingt-et-un ans. Chaque année le petit conseil élit un grand conseil de quarante membres pris parmi les bourgeois. Pour accéder au petit conseil de vingt-quatre membres, qui comprend les bourgmestres et le banneret, élus par lui, il faut avoir siégé cinq ans au grand conseil. La mairie de Bienne comprend tout le territoire situé au sud de Pierre-Pertuis, l’Erguël, la seigneurie d’Orvin, la Montagne de Diesse et le pied du Jura, de la Neuveville à Reiben.